L'Héritage maudit by Florence Roche

L'Héritage maudit by Florence Roche

Auteur:Florence Roche [Roche, Florence]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Terroir, Littérature française, Roman historique
Éditeur: De Borée
Publié: 2011-01-13T23:00:00+00:00


La carriole atteignit la cour de l’assemblée. Les deux petites qui faisaient du carreau sur le banc extérieur coururent vers eux et se jetèrent dans les bras d’Ange, soulagées et heureuses de le revoir. Églantine parut sur le seuil et vint embrasser Sophie

— Comme je suis heureuse de te revoir, enfin !

Elle salua Ange et s’excusa :

— Accordez-moi un moment avec mon amie, monsieur, et je reviens.

Elle prit Sophie par le bras et fit quelques pas avec elle sur le chemin qui jouxtait l’assemblée.

— Alors ? Ta nouvelle vie ?

— Je m’inquiète.

— Chassac te maltraite ?

— Non. Il m’ignore complètement… Ce qui ne me blesse pas outre mesure, je n’ai aucune affection pour lui mais j’ai un sale pressentiment. Il m’a épousée pour faire des enfants mais ne me touche jamais.

— Il n’a pas consommé son union ?

— Non.

Églantine était stupéfaite. Chassac avait plutôt l’air d’être un homme amateur de plaisirs et de débauches, sans soucis du qu’en dira-t-on. On l’avait vu au village faire scandale, complètement ivre. Son garde du corps, Hippolyte, aimait se battre avec des gars du pays qu’il provoquait sans cesse. On les voyait faire ribote jusqu’en Ardèche.

— C’est bizarre… dit Églantine. J’ai de plus en plus peur pour toi. Je fais des cauchemars effroyables. Chassac a quelque chose de diabolique dans le regard.

— Il est méprisant envers les femmes au point de ne pas respecter sa propre mère !

— Fais attention à toi, Sophie.

— Il ne m’a pas vue sortir du château.

— Tu as le droit de rendre visite à une amie ? Non ? pesta Églantine.

— Il n’apprécierait pas. Mais, cela dit, je suis bien au château. Je lis beaucoup et je parle avec ma belle-mère. C’est une brave femme, très déçue par son fils unique.

— Oui… J’imagine.

— C’est un goujat, bas et autoritaire.

Elles se turent un moment, mesurant l’ampleur du piège de ce mariage puis Sophie demanda :

— Tu as vu mes sœurs ?

— Chaque soir, au cours de dentelle. Tout va bien chez toi. Ta famille a pu acheter deux cochons pour cet hiver et des chèvres pour diversifier la production de fromage.

— Mon mariage aura au moins servi à ça.

Elle laissa ses yeux se perdre dans une tristesse qui commençait à poindre en elle, comme une prémonition. Les deux amies revinrent devant l’assemblée. Sophie fixa un instant Ange qui s’était assis sur le banc de la maisonnette avec ses sœurs sur les genoux, souriant de plaisir. Elle eut un élan de chagrin comme si elle voyait le bonheur lui échapper. Elle lui fit un signe d’au revoir. Une onde d’angoisse passa alors dans les yeux d’Ange. Il écarta les petites promptement et s’approcha de Sophie précipitamment, comme affolé par son départ, alors qu’elle se hissait sur le banc de la carriole. Il saisit sa main à la volée :

— Je vais rester ce soir au village. Puis-je vous revoir ?

Une joie démesurée éclata en Sophie. Elle n’avait pas osé espérer partager à nouveau le plaisir d’être avec Ange. Elle ne savait pas si cette chape d’amour qui cavalcadait en elle était réciproque.

— Je ne sais si je pourrai m’absenter du château, articula-t-elle.

— Je vous en supplie, murmura-t-il. Je n’avais jamais rencontré le bonheur avant vous.

Elle fut frappée en plein cœur.



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